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Peintures monumentales du chœur : La Vierge, Jésus parmi les docteurs, la Cène
France > Nouvelle-Aquitaine > Landes > Eyres-Moncube
Historique
Les sources d'archives qui concernent l’exécution de ce décor peint sont ténues et en partie contradictoires. Selon une mention assez imprécise de l'inventaire du 5 mars 1906 (consécutif à la loi de Séparation), ou plutôt de la protestation de l'abbé Lavigne qui lui est annexée, le curé Jean-Victor Langouet aurait, en 1875, "fait peindre à ses frais l'église, le chemin de croix et les tableaux que l'on y voit encore". En se fondant sur cette assertion, Simone Abbate (Louis-Anselme Longa, p. 169-170) assimile ces "tableaux" aux scènes évangéliques peintes sur la voûte du chœur et les attribue à un suiveur du peintre montois Louis-Anselme Longa (1809-1869), en arguant de leur similarité avec les peintures de mêmes sujets exécutées par Longa entre 1856 et 1867 à l'église Saint-Jacques de Tartas.
Or, l'identité des compositions de Tartas et d'Eyres ne procède probablement pas de l'influence des premières sur les secondes, mais bien de l'exploitation d'un modèle commun, en l'occurrence des gravures allemandes de l'école nazaréenne, comme souvent dans la création picturale religieuse de la seconde moitié du XIXe siècle. La Cène est en effet copiée (à l'exception du fond d'architecture, remplacé par une tenture) d'une planche du graveur padouan Bartolomeo Bartoccini d'après Friedrich Overbeck (1789-1869), publiée dans L'Évangile illustré. Quarante compositions de Frédéric Overbeck gravées par les meilleurs artistes de l'Allemagne (Paris, August Wilhelm Shulgen, 1851). La composition de Jésus parmi les docteurs reproduit une fresque de l'église Saint-Apollinaire de Remagen (Rhénanie-Palatinat), exécutée par le peintre Franz Ittenbach (1813-1879) et également diffusée par la gravure, entre autres une estampe de Johann Friedrich Vogel (1829-1895) éditée par Schulgen à Düsseldorf en 1856, et une lithographie de Joseph Heinemann (1825-1901).
L'exécution des scènes évangéliques d'Eyres présente des caractères spécifiques (modelé simplifié, larges aplats colorés, formes cernées d'un épais trait noir) que l'on retrouve dans les travaux du peintre Léonard Fortuné, dit Fortuni (Bordeaux, 1839 - Pau, 1906). Cet artiste a travaillé à plusieurs reprises pour des églises chalossaises dans les années 1860-1880, notamment à proximité immédiate d'Eyres : à Hauriet en 1866-1867 (peintures détruites), à Caupenne en 1869-1870 et à Baigts en 1879. Les peintures de Caupenne se signalent déjà par de larges emprunts aux compositions d'Overbeck, qui semblent avoir été l'une des sources visuelles favorites de ce praticien avant tout copiste.
Enfin, la date de 1875 assignée à ce décor sur la foi de l'inventaire de 1906 est en contradiction avec les armoiries qui timbrent les murs de l'abside. On y trouve en effet les armes du pape Léon XIII, élu en février 1878, et celles de Mgr Delannoy, nommé évêque d'Aire en décembre 1876. Quant aux armoiries civiles, elles sont celles des familles de Laborde-Lassale (au sud) et d'Arblade (au nord) : elles appartiennent donc à Élie de Laborde-Lassale (1851-1908), le jeune châtelain de Laféourère à Eyres, et à sa jeune épouse Marie-Louise d'Arblade de Séailles (1855-1920), mariés à Toulouse le 2 juillet 1879. A l'occasion de ce mariage, Élie de Laborde (comme le signale le même inventaire de 1906) offrit un nouveau maître-autel à l'église, le vitrail axial du chœur, ainsi que divers autres objets. Les peintures du chœur ont donc fait partie de ces libéralités, condition nécessaire pour pouvoir faire figurer les armes familiales au plus près de l'autel. La protestation du curé Lavigne confirme en effet que "en 1879, en mai, M. Élie de Laborde fait peindre le sanctuaire, poser le vitrail du fond du chœur et terminer l'autel".
Le décor, qui a subi diverses altérations au cours du XXe siècle (peintures de l'arc triomphal et des murs de la travée droite de chœur entièrement recouvertes d'un lait de chaux, deux personnages grossièrement repeints dans la scène de Jésus et les docteurs), était à la fin du siècle dans un état de dégradation avancée, comme en témoigne une campagne photographique du service de l'Inventaire en 1969. En 1998-2000, le curé Gilbert Lavigne a pris l'initiative d'une restauration, confiée à des praticiens bordelais, qui a permis de sauver ces peintures menacées. Faute de connaître les gravures originales d'après Overbeck et Ittenbach, les restaurateurs ont partiellement restitué les deux scènes évangéliques en s'inspirant d’œuvres classiques, par exemple l'Extase de sainte Cécile de Raphaël (1514), dont le personnage de saint Paul a inspiré le docteur à l'extrême gauche de la peinture sud. D'autre part, à la suite de sondages sous le semis d'étoiles du cul-de-four de l'abside, qui ont révélé une peinture figurée sous-jacente, ils ont entièrement recréé le décor de cette partie de l'édifice : les caissons sont copiés sur ceux du chœur de l'église de Boulin à Montsoué (commune voisine d'Eyres), la Vierge des roses d'une peinture conservée en Charente-Maritime (communication de l'abbé Gilbert Lavigne). Le coût total des travaux, en incluant ceux de l'autel sud, s'est élevé à 51.000 francs.
Détail de l'historique
Description
Le décor, probablement exécuté à la chaux, couvre la totalité des murs et des voûtes du chœur et de l'abside, ainsi que l'arc triomphal et l'arc d'entrée de l'abside.
Détail de la description
Catégories |
peinture murale |
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Matériaux |
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Iconographie |
Précision sur l'iconographie : Description du décor, d'ouest en est. Arc triomphal : feuilles romanes et fleurs de lys alternant avec des cubes en perspective sur fond noir (piédroits), postes et fleurettes sur fond vert (extrados de l'arcade), rinceaux sur fond beige (intrados de l'arcade). Travée droite de chœur : arcature en plein cintre sur fond de faux appareil gris (registre inférieur des murs nord et sud) ; faux appareil beige semé de motifs végétaux en sautoir (registre supérieur des murs) ; tiges feuillues à fleurs de lys rouges et feuilles vertes (embrasure des fenêtres) ; sur la voûte, deux scènes évangéliques (au sud : Jésus retrouvé au temple par ses parents au milieu des docteurs, au nord la Cène) se détachant devant des tentures semées de médaillons crucifères, sous des arcades bilobées à rinceaux bleus sur fond blanc ; sur le faîte du berceau, un bandeau à bordure bleue, fond jaune et frise de cercles tangents à croix grecque fleurdelisée et nimbée de couleur rouge. Abside : arc d'entrée peint de rinceaux romans et de bandeaux (fût), de feuilles d'acanthe (chapiteau), de rinceaux symétriques (extrados de l'arcade), d'imbrications en perspective incluant des oiseaux fantastiques (intrados de l'arcade) ; fausses tentures orangées semées de motifs végétaux et de médaillons quadrilobés (registre inférieur du mur en hémicycle) ; faux appareil à joints ornés et semis de tiges à fleurs quintifoliées dorées, divisé par des bandeaux à dents de scie dorées sur fond rouge et timbré d'armoiries (registre supérieur du mur) ; tiges feuillues à fleurs de lys rouges et feuilles vertes (embrasure des fenêtres) ; sur le cul-de-four (remplaçant l'ancien semis d'étoiles), effigie en pied de la Vierge, couronnée et tenant une brassée de roses, debout sur une nuée, sur un fond de caissons feints à motifs végétaux cruciformes rouges et verts. |
Inscriptions et marques |
Inscription (peinte sur l'arc d'entrée de l'abside) : OCULI MEI APERTI AURES MEŒ ERECTŒ COR MEUM IBI. [2 Chroniques, 7, 115 ("Paralipomenon 7") ; traduction : "Mes yeux seront ouverts désormais, et mes oreilles seront attentives (à la prière faite en ce lieu)".] Inscription (peinte sur le bandeau inférieur du faux appareil de l'abside, à droite de la baie axiale) : AUTEL PRIVILÉGIÉ. Armoiries (peintes dans l'abside) : du pape Léon XIII (à gauche de la baie axiale), de Victor Jean-Baptiste Paulin Delannoy, évêque d'Aire et Dax (à droite de la baie axiale : " Coupé, au 1 d'azur à la Vierge à la Treille d'argent, au 2 parti, en A de gueules à deux bâtons d'or passés en sautoir, en B de sinople à l'ancre d'argent", couronne, mitre, crosse, chapeau d'évêque). Armoiries (dans l'abside, à droite de la baie sud) : "Écartelé, aux 1 et 4 d'or au chevron de gueules accompagné en pointe d'un lion du même, aux 2 et 3 de gueules à trois pommes de pin d'or" ; couronne de comte ; supports : deux lions (interprétation des armes de la famille de Laborde-Lassale : les meubles des quartiers 1 et 4 devraient être d'or sur champ d'azur). Armoiries (dans l'abside, à gauche de la baie nord) : "D'or au lion de gueules tenant une épée du même, au chef d'azur chargé d'une croisette d'or entre deux croissants d'argent" (simplification des armes de la famille d'Arblade, dont le blasonnement exact est "D'or au lion de gueules couronné du même tenant de sa patte senestre une épée d'azur en pal la pointe en bas, au chef d'azur chargé d'une croisette d'or entre deux croissants d'argent"). |
État de conservation |
L’ensemble a été entièrement restauré en 1998-2000 par des restaurateurs bordelais : le décor du cul-de-four de l'abside a été recréé en totalité, ainsi que celui du registre inférieur du mur de l'abside (tentures feintes) et celui de la totalité des murs de la travée droite de chœur (arcature feinte et faux appareil) ; deux des docteurs à la gauche du Jésus au temple, qui avaient été grossièrement repeints dans le courant du XXe siècle, ont été eux aussi recréés ex nihilo à partir d’œuvres de Raphaël ; l'un des apôtres, très indistinct, dans le groupe à droite de la Cène a été supprimé et plusieurs autres têtes d'apôtres très restaurées ou refaites. |
Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre objet mobilier |
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Référence du dossier |
IM40006380 |
Dossier réalisé par |
Maisonnave Jean-Philippe
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Saint-Sever |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2016 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Peintures monumentales du chœur : La Vierge, Jésus parmi les docteurs, la Cène, Dossier réalisé par Maisonnave Jean-Philippe, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/aa63df33-79e7-4436-be0b-e2aa4cfa2b25 |
Titre courant |
Peintures monumentales du chœur : La Vierge, Jésus parmi les docteurs, la Cène |
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Dénomination |
peinture monumentale |
Titres |
La Vierge, Jésus parmi les docteurs, la Cène |
Statut |
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Intérêt |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Landes , Eyres-Moncube
Milieu d'implantation: en village